La Sieste
Elle fait au milieu du jour son petit somme ;
Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme,
Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel !
L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.
Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions,
Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons,
Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages
D'étoiles qui font signe aux enfants d'être sages,
Ces apparitions, ces éblouissements !
Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants,
Quand toute la nature écoute et se recueille,
Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
La plus tremblante oublie un instant de frémir,
Jeanne a cette habitude aimable de dormir ;
Et la mère un moment respire et se repose,
Car on se lasse, même à servir une rose.
Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr
Dorment ; et son berceau, qu'entoure un vague azur
Ainsi qu'une auréole entoure une immortelle,
Semble un nuage fait avec de la dentelle ;
On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là,
Voir une lueur rose au fond d'un falbala ;
On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse,
Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse ;
L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer ;
Le vent retient son souffle et n'ose respirer.
Soudain, dans l'humble et chaste alcôve maternelle,
Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle,
Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant,
Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement
Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre,
Elle gazouille... - Alors, de sa voix la plus tendre,
Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner,
Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner
À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère :
- Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère.
Victor Hugo
The Nap
She has a little rest in the middle of the day,
For, unlike a man, dreaming is a child’s way.
Earth is ugly to those who come from a place ethereal!
A child yearns to see again Cherub, Ariel,
Her friends Puck, Titania, the elves,
And God warms her hands when in sleep she delves.
Oh! How surprised we would be if we could only countenance
The rays that shine in that sacred somnolence,
An open paradise in the shadows,
Where stars beckon children to be good, and forget their woes,
Such a wonder, such a darling!
At the hour of day when the sun’s fire is appeasing,
Around midday, when all of nature listens and prays,
When nests fall silent, and the leaf stays
Its trembling for a moment, forgets to quiver,
Jeanne has that pleasant habit of drinking from the Lethe river;
And the mother at last breathes, has a doze,
For one grows weary, even from serving a rose.
Her pretty little unsteady feet curl up and sleep,
And her cradle, surrounded by sky-blue deep,
Like a halo around an immortal face,
Resembles a shining cloud made of lace.
One feels, seeing her in that fresh cradle, the thrills
Of witnessing a pink glow amongst the frills;
We marvel at her, we laugh, we sense sadness leave us,
Such a small body, yet so worthy of a fuss;
Her own shadow appears in adoration;
The wind holds its breath and its respiration.
Suddenly, in the modest maternal alcove where she lies,
Releasing all of the dawn buried in her eyes,
She opens one lid, extends one lovely arm,
Shakes one leg, then the other, with such charm
That spirits in the heavens sharpen their senses to hear
Her gurgle… - And then in tones so dear,
Covering with her gaze the child that God made to shine,
Searching the sweetest way to say that ‘she is mine’
That she is a delight, an angel in bloom, a wonder,
Her mother says: - You awake, oh horror!
Victor Hugo (translated by Olivier Holmey)
Read by Youness Bouzinab
Bright Morning Stars Are Rising
The Seeger Sisters
Baby at Play, Thomas Eakins
Courtesy National Gallery of Art, Washington